Les limites territoriales et chronologiques
Il aura fallu attendre le premier quart du XXe siècle et la publication, en 1918, de La peinture décorative en Anjou du XIIe au XVIIIe siècle, par le chanoine Charles Urseau, pour voir la première étude de synthèse consacrée à la peinture monumentale en Anjou. Dans son introduction, il signalait d'emblée son entente avec un autre historien de la peinture murale, Lucien Lécureux, portant sur les limites géographiques de leurs études respectives. Le chanoine restreignait la sienne au département de Maine-et-Loire (malgré le titre de son livre), tandis que son collègue s'occupait des paroisses angevines situées dans les départements de la Mayenne et de la Sarthe. Cette partition fut reprise au milieu du XXe siècle par Madeleine Pré dans son travail sur la peinture murale consacré à la région du Maine et de ses confins angevins. Dans cette tradition, l'étude développée dans cet ouvrage s'inscrit à son tour dans un cadre géographique similaire. Si les exemples évoqués dans la seconde partie sont tous localisés dans le département de Maine-et-Loire, les décors peints de l'ancienne province d'Anjou (en Sarthe et en Mayenne), comme d'autres situés en Poitou, ont été étudiés et sont évoqués à titre de comparaison.
Le cadre chronologique retenu tient compte de l'ampleur du foyer de la création angevine tout au long du XVe siècle, époque marquée par la présence des ducs d'Anjou et notamment par la personnalité singulière de René, duc de 1434 à 1480, à laquelle est attaché un idéal chevaleresque mêlé de politique, de curiosité intellectuelle et de mécénat. Malgré les malheurs du début de la période, le faste des ducs relayé par le milieu nobiliaire, le développement d'une élite urbaine et la présence de la cour royale dans la province voisine de Touraine, furent des éléments décisifs pour l'essor économique et culturel de l'Anjou. Par ailleurs, le relèvement du pays après les troubles de la guerre de Cent Ans entraîna dans les paroisses rurales la multiplication des rénovations, des agrandissements ou des reconstructions et favorisa, par la commande, l'intense activité artistique constatée dans la seconde moitié du XVe siècle et au début du XVIe siècle. Les premières décennies de ce siècle sont le plus souvent connues pour la diffusion de l'art de la Renaissance en France. Cette esthétique nouvelle ne sera toutefois pas abordée ici et, par conséquent, des oeuvres antérieures à 1530, telles les peintures de la chapelle du château de la Bourgonnière (Bouzillé), ont été délibérément écartées. Il a semblé préférable de prendre cette position de manière à mieux exposer la problématique de la peinture monumentale à la fin du Moyen Age.
TRADITION DE LA COULEUR ET NOUVELLE INTIMITÉ DES ESPACES ET DES PRATIQUES
La recherche révélera au lecteur des oeuvres oubliées, voire totalement méconnues. Les découvertes de peintures, nombreuses dans le dernier tiers du XXe siècle, restèrent en effet majoritairement inédites et furent par conséquent rarement diffusées au public. Ce corpus permet évidemment d'introduire de nouvelles perspectives d'analyses et d'interprétations. Il confirme tout d'abord l'usage important de la couleur au Moyen Age, déjà manifeste dans le vitrail, la statuaire religieuse, les miniatures des livres sacrés ou des romans de chevalerie. Dans l'architecture, la peinture monumentale recouvrait de couleurs non seulement les murs et les cloisons, mais aussi les poutres et les solives des plafonds et même les lambris des charpentes.
Présentation de l'éditeur :
À L'INSTAR DES PROVINCES VOISINES de l'ouest de la France, l'Anjou offre un riche patrimoine de peintures murales de la fin du XVe et du début du XVIe siècle. La présence de la seconde maison d'Anjou et plus particulièrement du roi René et de sa cour ont en effet favorisé l'existence d'un foyer artistique dynamique et créatif.
Depuis le XIXe siècle, les découvertes (ou redécouvertes) de décors peints dans fies édifices civils et religieux ont révélé des oeuvres de grande qualité, tant du point de vue du style que de l'iconographie, soulignant ainsi l'importance de la couleur et des images dans l'architecture à la fin du Moyen Age.
Les exemples les plus remarquables rompe panorama inédit et donnent à voir au public artistique encore méconnu.